Capitaine Pierre DESAULLE
Mémoires de guerre 14/18
1er novembre : Dans l’après-midi je remonte au fort de Tavannes effectuer un réglage sur la région d’Hardaumont. Je profite de cette occasion pour me présenter au commandant de Champsavin qui commande le fort depuis de longs mois. Il a pu assister ainsi aux premières loges à la bataille de Verdun. Atteint très sérieusement par les gaz asphyxiants il n’a pas voulu se laisser évacuer et mène depuis ce moment un état de santé très chancelant. Il habite en ce moment dans les locaux bétonnés du fort qui ont admirablement résisté aux bombardements d’obus de gros calibres. Les moellons des voutes ne présentent aucune fissure. Ces locaux bétonnés ne sont d’ailleurs pas très vastes et ne peuvent guère contenir qu’une compagnie. On est en ce moment en train de les réunir au tunnel de Tavannes par une galerie de raccordement. Il est à signaler que ce fort de Tavannes, cuirassé en béton ordinaire, a parfaitement résisté alors que le fort voisin de Moulainville, cuirassé en béton armé, a été rapidement mis hors de combat. Les boches tirent aujourd’hui assez vivement dans la région du fort.
3 novembre : Dans la journée nous tirons plus de 330 coups pour appuyer une attaque de la 9ème DI qui ne réussit d’ailleurs pas. Le 66ème bataillon de chasseurs subit là des pertes cruelles. L’activité de l’aviation est intense grâce au beau temps.
4 novembre : Depuis hier nous occupons le fort de Vaux abandonné par l’ennemi sans combat. Les lignes sont encore flottantes et les renseignements peu précis à ce sujet, cependant nous continuons à progresser vers l’est.
5 novembre : Dans l’après-midi, profitant du beau temps et d’un moment de tranquillité je vais faire un petit tour du côté de Verdun. Je retrouve dans un groupe de 155L mon camarade d’Argonne Vanderpol.
6 novembre : Le matin je vais avec Lemasson au fort de Tavannes pour exécuter un tir de réglage sur 447 puis un tir d’efficacité sur 4507. L’après-midi je retourne au fort effectuer cette fois un tir de réglage sur la maisonnette du cantonnier. Et un tir d’efficacité sur 4307. Je tire ainsi plus de 140 coups dans la journée. Nous apprenons le soir que le général Arlabosse commandant la 9ème DI a été blessé gravement au fort de Souville. Le général Ancelin commandant le groupement de gauche de la 133ème DI a été tué également ces jours derniers à Douaumont.

10 novembre : Depuis 3 jours le temps est horrible ce qui retarde encore l’opposition prévue sur Hardaumont. Aujourd’hui comme le temps est plus clair je pars avec Lemasson faire quelques photos à Verdun. Cela nous permet de constater combien la ville a souffert du bombardement. Les rues entières, en particulier la rue Mazel ont été démolies.
Dans le secteur de la division nos troupes continuent à progresser vers l’est et nous occupons maintenant le village de Dampierre et la totalité du village de Vaux. Ces jours derniers une patrouille d’infanterie a exécuté un coup de main sur les ruines de la station de Vaux occupée par 9 boches qui ont été naturellement capturés. Le commandant de la patrouille française, apprenant que le petit poste devait être relevé une ½ heure plus tard, se décide à attendre la relève et capture les 9 autres boches.

12 novembre : Viguié étant rentré de permission hier, Dumay part à son tour. Depuis aujourd’hui un sous-officier et un téléphoniste pris à tour de rôle dans les divers groupes commencent à prendre le service d’observation au fort de Vaux. Aujourd’hui Lacheret et Somme inaugurent le service pour le groupe mais étant donné l’intensité du tir de l’artillerie allemande autour du fort de Vaux il est absolument impossible de maintenir une liaison téléphonique.
Le matin nous effectuons un réglage au nord est de l’ouvrage de Lorient : quant aux boches ils tirent énormément de notre côté depuis plusieurs jours mais surtout de nuit. Nos abris sont solides sans doute et résisteraient bien à un 105, peut-être même à un 150 mais comme les boches ont l’air de vouloir nous tirer du 210 je ne suis pas sans inquiétude.
13 novembre : Toute la nuit les boches tirent beaucoup de notre côté, cependant entre deux rafales, j’arrive à m’endormir. Tout à coup un craquement terrible secoue la cagna et me réveille en sursaut. Ahuri je me dresse sur mon lit et, à la clarté de la lune, il me semble que notre cagna est en partie effondrée. Viguié qui dort sur son lit à côté du mien ne s’est pas réveillé ! Je le secoue : « Viguié ! – Hein ! – Vous avez entendu ? – Quoi ? – L’obus ! – Quel obus ? – Et bien ; celui qui vient de tomber ! – Où çà ? » Son étonnement n’est certainement pas feint : il n’a rien entendu ! Je le secoue alors comme un prunier pour lui faire reprendre ses esprits : « Vous n’avez pas entendu cet obus qui vient de tomber ? Levez-vous si vous n’êtes pas convaincu ! » Viguié saute de son lit pieds nus et pousse immédiatement un cri : le plancher de la cagna est plein de débris de verre provenant de notre porte et de notre fenêtre qui ont été pulvérisées. La porte est entièrement arrachée et la cagna est dans un désordre indescriptible. L’obus, un 210 sans doute, est tombé à moins de 3 mètres de notre porte, heureusement légèrement de côté. S’il avait été plus court de 3 mètres il est certain que nous aurions été ensevelis sous notre abri. Toute la nuit les boches continuent à tirer par intermittence. Quelques coups tombent dans le voisinage immédiat de la batterie. Toute la journée le tir continue de la même manière ce qui est franchement énervant.
14 novembre : Toute la nuit les boches tirent encore dans notre direction. Profitant d’un moment de calme le commandant vient remettre le matin quelques Croix de guerre à la batterie. J’ai pu en effet à l’occasion de la dernière attaque faire citer Dumay, Viguié, Gadet, Goosen et Leray. Dans l’après-midi je monte au fort de Tavannes pour exécuter différents réglages. L’artillerie allemande profitant du beau temps est extrêmement active et en particulier d’énormes obus tombent sur le fort de Vaux. Nos lignes sont également bombardées avec violence. Dans la soirée l’activité de l’artillerie allemande est encore très vive et en particulier dans la région du Cabaret Rouge qui reçoit de nombreux obus.

OUVRAGES

VAUX; Fort, étang et village

15 novembre : La nuit est assez calme. Le matin je retourne au fort de Tavannes pour effectuer différents réglages. Comme j’arrive à 100 mètres du fort un 77 éclate juste au dessus de la porte. La fusée en ronflant nous passe près des oreilles. Le secteur est un peu plus calme aujourd’hui cependant au moment où nous nous disposons à rentrer, les boches se mettent à tirer des obus de gros calibre, que je sus être plus tard du 280, sur la crête au nord de la batterie Neuville. Le boyau que nous devons prendre pour rentrer passant à 100 mètres au sud de la batterie Neuville je ne suis pas sans inquiétude. En hâtant le pas nous passons cependant sans encombre, mon téléphoniste et moi, mais les obus continuant de tomber les obus passent en sifflant au dessus de nos têtes. Nous arrivons enfin à la batterie et bien que nous soyons maintenant à un bon kilomètres des points de chute les éclats arrivent encore jusqu’à nous.
17 novembre : En revenant le soir du fort de Tavannes où je suis allé régler un tir je m’arrête à la batterie Neuville où j’apprends que le premier obus d’hier est tombé à 1 mètre de l’abri du capitaine. Quant au 2ème il est tombé sur un abri de la batterie de Pazzis où 2 sous-officiers ont été tués et 2 autres blessés.
18 novembre : Ce matin nous voyons apparaître la première neige qui ne dure pas bien longtemps hélas ! car dans la journée le temps se met à la pluie.
19 novembre : Ayant reçu l’ordre de rechercher plus avant des positions de batterie je pars en reconnaissance le matin dans la région sud ouest de Tavannes. Je trouve dans les bois de l’Hôpital une position possible entre le boyau Coutant et la route. La 11ème batterie trouve une position installée à droite de la route mais j’aime mieux une position à faire de toutes pièces.
20 novembre : Le matin avec le colonel Dessens, d’Ainval et de Blois nous partons voir les positions nouvellement choisies, d’abord celles du bois de l’Hôpital. De là nous retournons dans le vallon au sud du fort de Souville où d’autres positions sont également possibles quoique moins bonnes. Ces dernières positions ne plaisent d’ailleurs pas au colonel ce dont je suis fort aise : nous redescendons ensuite par les casernes Monceau. Dans l’après midi je remonte avec de Blois et Fery aux positions du bois des Hospices pour prendre nos dispositions en vue des prochains travaux


26 novembre : A 5 heures 30 du matin, au jour levant, accompagné de Dumay et de Lacheret je pars reconnaitre la nouvelle position de batterie, à pied bien entendu puisqu’il n’y a pas d’autre’ moyen d’y accéder le jour. Nous suivons donc la voie ferrée remontant vers Verdun et qui est le plus court chemin que nous puissions prendre. Par malheur les Boches tirent justement sur la voie ferrée entre le fort Saint Michel et l’Hôpital : ils ont cependant la bonne idée d’interrompre leur tir comme nous arrivons. Le village de Belleville que nous atteignons bientôt offre l’aspect de la plus grande désolation. Ce ne sont que toits en équilibre sur des pans de murs branlants, on voit qu’il a été sérieusement bombardé. Au poste de commandement de l’artillerie divisionnaire situé dans des carrières à la lisière nord du village je rencontre le colonel Jauréguiberry du 58ème s’artillerie qui ne peut malheureusement, en l’absence du colonel Régnis, me donner le moindre renseignement. Il me conseille cependant de prendre au dessus du PC le boyau B.2 artère principale qui dessert tout le secteur de gauche. L’entrée du boyau a l’air, ma foi, sympathique et nous nous engageons d’un pied léger. La crête Saint Michel est bientôt franchie et nous redescendons maintenant la pente du ravin des Vignes. A gauche apparait un bois de bouleaux fortement déplumé : c’est le bois Le courtier. Tout à coup les Boches se mettent à tirer d’une manière vigoureuse sur le boyau à quelques centaines de mètres devant nous. Je continue à avancer mais comme le tir ne cesse pas je crois prudent de m’arrêter à la limite de la zone dangereuse. Au bout de quelques minutes, voyant que le tir ne cesse pas, je me décide à franchir la zone dangereuse. Suivi de Dumay et de Lacheret, je fille aussi vite que le permet l’état du boyau et le coudes qu’on y rencontre tous les 10 mètres. Les obus continuent à pleuvoir autour de nous et le temps me parait bien long. Tout à coup, un obus éclate avec violence à quelques mètres derrière moi, m’assourdissant de sa détonation. Je me retourne : Dumay et Lacheret sont toujours derrière moi courant à toutes jambes. Enfin nous sommes hors de la zone dangereuse. Désirant savoir sur quoi tirent les Boches avec tant d’acharnement je me hisse sur le parapet et j’aperçois au milieu des obus qui tombent, un troupeau de petits bourricots de tranchées broutant l’herbe tranquillement. Plusieurs sont déjà étendus sur le sol, blessés ou morts, mais les autres, en vrais arabes qu’ils sont, continuent à paraître paisiblement.
Le fond du ravin des Vignes étant atteint nous remontons maintenant la côte de Froideterre. Adroite et à gauche du boyau apparaissent bientôt deux énormes abris bétonnés : ce sont les abris MF faisant partie de l’ouvrage de Froideterre. A l’abri de gauche nous atteignons le ravin Saint Vaast puis celui de la Folie après avoir franchi une nouvelle crête. Tous ces ravins sont encombrés de débris de toutes sortes et particulièrement des voitures démolies. Ce boyau est vraiment interminable puisque nous le parcourons depuis plus d’une heure sans en voir l’extrémité. Heureusement qu’il est fort bien entretenu. De place en place des territoriaux sont occupés à le nettoyer et surtout à le déblayer au fur et à mesure que les Boches le démolissent. Avant de redescendre dans le dernier ravin qui est celui du bois des Cornes nous nous arrêtons un instant pour regarder, du sommet de la crête, pour regarder le paysage qu’on domine assez loin. A nos pieds la vallée de la Meuse dans laquelle serpente la rivière, le canal, la route nationale et la voie ferrée sur laquelle on aperçoit une longue rame des wagons immobilisés en cet endroit en 1916 et presque entièrement démolis. De l’autre côté de la Meuse la côte de Vachereauville et le fort. On distingue encore assez bien Charny et sa gare. Quant aux villages de Bras et Vachereauville il n’en reste plus que des ruines informes. A l’horizon la crête du Talon sur laquelle nous avons fait en août 1914 notre première mise en batterie, masse &norme et menaçante barre l’horizon. Plus à droite la côte du Poivre, en notre pouvoir et sur laquelle nous avons vu commencer en aout 1914 les premières fortifications de campagne. Nous redescendons maintenant vers le ravin du bois des 3 Cornes lorsque j’aperçois dans la paroi du boyau l’entrée d’une sape surmontée d’une pancarte « PCK1 ». Nous sommes arrivés. C’est là qu’est établi le poste de commandement du capitaine Pertus, commandant le 1er groupe d’artillerie de campagne d’Afrique. Le capitaine Pertus me reçoit fort aimablement au fond de sa sape et me confie à l’un de ses lieutenants pour la reconnaissance du secteur. Sans perdre de temps nous descendons dans le ravin des 3 cornes que nous remontons ensuite vers l’est. Ce ravin offre bien le plus triste spectacle que l’on peut voir. Le fond du ravin est une piste impraticable rejoignant la route du Bras à Verdun au carrefour de la Folie. Un cimetière horriblement bouleversé occupe une partie du ravin dont le flan nord est occupé sur une longueur de 200 ou 300 mètres par ce qu’on appelle le camp MF6. C’est une amoncellement de sapes, de trous, de cagnas, de guitounes de l’aspect le plus varié, tout cela passablement bouleversé. A 200 mètres de l’extrémité du camp un boyau coupe le ravin : c’est le boyau des Caurettes le long duquel est installée la batterie du capitaine Cabrol. C’est dans cette région que je dois rechercher un emplacement de batterie. Naturellement, du bois des 3 Cornes il ne resta pas la moindre trace. Le terrain en avant du boyau des Caurettes jusqu’au sommet de la crête qui est celle de Thiaumont est totalement bouleversé. Le boyau des Caurettes a marqué en effet en juin l’avance maximum des allemands. On a du se battre là furieusement. Dans ce terrain bouleversé il me parait impossible de s’établir.les boches se mettent à tirer quelques salves aussi, interrompant pour un instant notre reconnaissance, nous nous abritons dans le boyau. Le tir s’étant calmé je pousse cependant, par acquit de conscience, ma reconnaissance vers Thiaumont, mais les trous d’obus sont les uns sur les autres et on ne peut songer à établir là une batterie, à moins d’exécuter au préalable des travaux au delà de nos moyens. Il faut donc s’établir en deçà du boyau des Caurettes mais là c’est le camp d’infanterie ou les cagnas des artilleurs : il n’y a pas moyen de se placer. Le flanc sud du ravin est impraticable et d’ailleurs en pleine vue de la crête du Talon. Il est impossible de se mettre à droite de la batterie de 75 car la pente du ravin est trop raide pour que j’y puisse monter mes pièces. Entre la droite de la batterie de 75 et le fond du ravin il n’y a qu’une trentaine de mètres. Nous nous évertuons, Dumay et moi, à trouver quelque chose dans ce coin désolé mais le terrain est en pleine vue de la crête du Talon ou bien impraticable. Nous en sommes là de nos réflexions lorsque les Boches se mettent à tirer furieusement avec des 105 et des 77 sur le boyau de Belgrade juste au moment du passage d’une corvée de travailleurs. Il faut pourtant que je me décide à quelque chose et comme il n’y a guère d’occupable que la droite de la batterie Cabrol je m’arrête à cette solution d’ailleurs déplorable. Mes trois pièces seront à 3 ou 4 mètres l’une de l’autre et leurs volées seront vues de la côte du Talon lorsque nous tirerons sous de grands angles. D’ailleurs, dans tous les cas, les observatoires boches verront les fumées de nos coups de canons. Pour amener nos pièces à leurs emplacements il va falloir aménager un chemin à mi pente. Il faudra dans un emplacement restreint loger en plus de nos 4 pièces, 45 poilus et le stock de munitions qui promet d’être considérable. Et puis comment amènerons-nous nos pièces et nos munitions depuis la route de Bras jusqu’ici ? Dumay est désolé malgré tout son courage. Pour moi, tout en l’étant aussi je me fais une raison : on nous confie une munition de première importance et il faut que nous nous établissions à tout prix. J’ai une telle confiance dans le personnel de la batterie et dans la vigueur de mes chevaux que le succès ne fait pour moi aucun doute. La position est cependant peu sympathique et il est certain que nous aurons des pertes : Plaise à Dieu qu’elles ne soient pas trop fortes !
La question la plus angoissante est le logement de mes hommes. L‘effort que je vais leur demander va être considérable et si je ne peux les abriter l’échec est certain. Le major du camp MF6 que je vais voir n’a bien entendu aucune place à nous offrir. Heureusement, le sympathique capitaine Pertus que je retrouve à son PC veut bien m’offrir, dans une sape voisine dont il dispose, une vingtaine de places. C’est peu sans doute pour 40 hommes mais je suis cependant fort heureux de cette offre. De plus il demande à loger l’un d’entre nous et fait loger l’autre par la batterie Cabrol. Il refuse naturellement de me laisser toucher à mon repas froid et m’invite à sa table avec Dumay. Vers 14h30 nous reprenons le chemin du retour. Tout se passe normalement jusqu’au bois le Courtier, mais comme ce matin, au moment où nous arrivons, les Boches se mettent à tirer violemment sur le boyau le long duquel les bourricots broutent encore. Comme ce matin nous passons par miracle au milieu du tir grâce à la vitesse de nos jambes. Après un court arrêt au PC Belleville nous reprenons le chemin de notre position. En passant je m’arrête au PC des Carrières où je rencontre le colonel Dessens. Dès qu’il m’aperçoit : « Eh bien ! Desaulle, qu’avez-vous trouvé au ravin du bois des 3 Cornes ? - Rien de bien encourageant, mon colonel » lui répondis-je avec une moue significative. « Qu’importe » me dit-il en coupant l’air d’un geste impérieux de la main, « c’est un ordre, il fa ut y aller. « Alors » poursuit-il plus calme, « quelle est votre impression ? » - « Puisqu’il faut monter là haut je vous dirai tout simplement que tout va bien » - « Mais vous savez qu’il faut être prêt dans 8 jours et avoir 3000 coups à pied d’œuvre. » - « Et bien, mon colonel, pourvu qu’on me laisse faire et qu’on ne me mette pas trop de bâtons dans les roues je serai prêt. » Au PC du groupe je décris au capitaine d’Ainval qui me regarde avec ahurissement, les charmes de notre nouvelle position. Pour me consoler, bien que je n’en aie aucun besoin, il m’assure que je ne tirerai pas avant le jour J-1 et que le jour J+1 je serai envoyé au repos à l’arrière. Je n’ai d’ailleurs aucune illusion au sujet de ces promesses.




27 novembre : Dumay part aujourd’hui à la position de batterie avec Lacheret et 10 travailleurs pour effectuer les premiers travaux.
28 novembre : Le matin, à 6h30, accompagné d’un sous-officier et de 5 hommes je par pour la nouvelle position de batterie par le même chemin que l’autre jour. La route s’effectue sans encombre car les Boches ne tirent pas beaucoup. Au ravin des 3 Cornes où j’arrive bientôt tout est en ordre. Je déjeune avec le capitaine Petrus et suis de retour le soir à la nouvelle position à 16h30.
29 novembre : Le matin je vais à l’A.D. Marceau où je rencontre le colonel Marchal et le colonel Dessens auquel je rends compte du commencement d’exécution de ma mission. C’est ce dernier qui a conseillé mon envoi à Thiaumont pour remplir la mission demandée par le général Passaga, mission reconnue comme d’une exécution particulièrement délicate : « Vous pouvez envoyer Desaulle, je le connais ; il tape un peu dans les brancards mais il tire ! » Je n’ai jamais reçu pendant toue la campagne un compliment ou une récompense m’ayant fait autant plaisir que ce mot là qui me fut rapporté plus tard par le commandant Annibert. On parle maintenant de me donner non plus 3000 coups mais 3600 !
Dans l’après-midi, par les bois de Fleury, je vais voir le commandant de Fleurelle pour m’entendre avec lui au sujet des liaisons téléphoniques. Le bois des Vignes que je traverse est rempli de batteries démolies et abandonnées, vestiges tragiques des furieux combats du début de l’année. Sur presque toutes ces positions s’entassent des milliers de douilles vides. Chemin faisant je rencontre l’abbé Penillon aumônier titulaire de la 9ème DI et avec lequel je bavarde quelques minutes. Je retrouve également dans le bois la batterie Japiot du 30ème qui était près de moi en Argonne.
30 novembre : Le matin Viguié part à la nouvelle position, quant à moi j’attends le commandant qui rentre aujourd’hui de permission. Le colonel Dessens vient visiter aujourd’hui les positions ce qui lui donne l’occasion d’une terrible algarade contre Neuville qui d’ailleurs n’est pas là pour l’entendre. Le soir les Boches s’agitent terriblement.







