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1er décembre : A 5h45 comme tous les jours, départ pour la position. Dans la journée je tire une douzaine de coups sur des travaux de fortification signalés à 700 mètres au nord de « la Cour ». Le capitaine Pivier me téléphone que le tir a été efficace et qu’on a vu les allemands s’enfuir. Si la situation est calme devant nous il n’en est rien dans l’Argonne où la canonnade est furieuse.


4 décembre : Aujourd’hui, sainte Barbe fêtes des artilleurs. Plantade, Millot, Royer, Chavane et moi nous nous réunissons le soir en un banquet plantureux.
La 2ème batterie est rentrée aujourd’hui d’Argonne.

 
5 décembre : Une attaque importante est projetée sur Vauquois pour un de ces prochains jours et pour cette attaque nous devons occuper une position au pied des côtes Forimond A 4h30 nous partons donc pour cette nouvelle position avec 2 pièces et 4 caissons en passant par Clermont en Argonne et Neuvilly fortement démoli. Au moment où nous arrivons aux côtes Forimont un régiment qui vient d’être  relevé se fait saluer par plusieurs salves de 77. Nous installons nos deux pièces en batterie à la lisière du bois et, accompagné de Plantade, je monte à l’observatoire des côtes de Forimont d’où on a une vue sur Boureuilles, Varessnes, Montblainville, Aprement et Vauquois.  Dans l’après-midi j’essaie de trouver un chemin à travers champ rejoignant la route Aubreville - Avocourt mais je dois y renoncer, le terrain dans cette région n’étant qu’un horrible marécage.


6 décembre : La batterie remonte ne position à 4h30 mais je ne pars qu’à 7 heures. Plantade me rejoint dans l’après-midi et ensemble nous remontons à l’observatoire des côtes Forimont pour reconnaître nos objectifs qui se trouvent à la partie ouest de Vauquois. La position de batterie est un véritable cloaque où nous canons s’enfoncent terriblement. Les allemands sont heureusement très sages et nous laissent parfaitement tranquilles.


7 décembre : La batterie remonte en position à 4h30 mais pour ma part je reste au cantonnement pour étudier nos objectifs qui sont les tranchées au coude sud de la route de Vauquois Boureuilles, la route de Boureuilles au moulin du Pré l’Orfèvre et le mamelon boisé de la cote 239. Le capitaine Meckler complètement rétabli de sa grave indisposition vient de Froidos se mettre au courant de la situation. A 11h30 je pars pour les Côtes de Forimont en passant par Aubreville et la route d’Avocourt et dans l’après-midi nous effectuons, Plantade et moi, notre tir de réglage en une dizaine de coups. Le terrain est tellement détrempé qu’un de nos avant trains avec ses deux chevaux tombe dans une fondrière d’où nous avons toutes les peines à le retirer.


8 décembre : L’attaque est pour aujourd’hui. A 4h30 nous partons donc par Parois, Aubreville, Neuvilly. Le passage dans ce dernier village complètement incendié est lugubre. Le capitaine Meckler et Plantade montent à l’observatoire, quant à moi je reste pour commander les pièces. A 11h30 exactement le tir de l’artillerie française se déclenche avec une assez grande violence et ma batterie tire à la cadence de 1 coup par pièce et par minute jusqu’à 11h45. A partir de 11h45 la cadence est portée à deux coups par pièce et par minute jusqu’à midi ; à partir de midi jusqu’à 12h30 un coup par pièce et par deux minutes ; à partir de 12h30 jusqu’à 13 heures nous allongeons le tir de manière à atteindre la route de Boureuilles au moulin du Pré l’Orfèvre ; à partir de 13 heures le tir sur la dite route à raison de 1 coup par pièce et par 5 minutes jusqu’à 15h30. Ces tirs s’exécutent au prix des plus grandes difficultés par suite du mauvais état du terrain. Au bout de 50 coups de canon les roues sont enfoncé »es en terre de plus de 50 centimètres et la flèche de crosse est enterrée de 1 mètre au moins. De plus les culasses de nos canons fonctionnent d’une manière défectueuse et leur fermeture demande les plus grands efforts. 172 coups sont ainsi tirés avec beaucoup de peine. Les allemands ne répondent pas du tout et bientôt nous apprenons que nos fantassins ont progressé jusqu’aux abords de Boureuilles et ont commencé à escalader les pentes de Vauquois. A 15h30 les munitions commencent à manquer je reçois l’ordre d’aller me ravitailler à Aubreville. A 16 heures au moment où je pars il commence à faire sombre et bientôt une nuit d’une opacité effroyable nous enveloppe. A Aubreville je trouve dans un pré en contrebas de la route une des colonnes légères du groupe qui doit me ravitailler. Ce travail par cette nuit d’encre et dans un terrain détrempé est fort pénible. Mes caissons s’embourbent et l’un d’eux l’est à tel point que je suis obligé de le faire décharger pour le sortir de là et le remonter sur la route. Complètement brisés de fatigue nous arrivons à la position de batterie à 21h30. Heureusement le capitaine a eu la bonne idée de faire monter à la position un fourgon dans lequel nous nous é »tendons, le capitaine et moi, sur une bonne couche de paille. Nos sous-officiers nos hommes  et le médecin auxiliaire Debray s’installent tant bien que mal, plutôt mal que bien, sous la toile de tente. Plantade passe la nuit à l’observatoire des Côte Forimont avec deux téléphonistes pour surveiller le paysage.


9 décembre : Dès 7 heures du matin nous sommes debout prêts à tirer et le capitaine remonte à l’observatoire. Il continue à faire un temps relativement doux mais malheureusement il pleut et la terre est absolument détrempée. Vers 11 heures j’entends un obus boche passer au-dessus de nous et tomber d’ailleurs sans éclater dans une direction qui me parait être celle de nos avant trains. Un autre le suit et éclate entre nous et la batterie de 75 qui se trouve à 500 mètres derrière nous. Craignant cependant qu’un coup ne soit tombé sur les avant trains je vais voir ce qui s’y passe. Chemin faisant je rencontre le servant Fougerolles qui m’apprend que les avant trains sont indemnes. Pendant que nous causons un obus tombe près de nous et nous couvre de terre. Les éclats vont jusqu’à la batterie et  le servant Biron est légèrement blessé. J’arrive aux avant trains et réconforte les conducteurs dont certains parmi les nouveaux arrivés sont un peu impressionnés. A ce moment d’ailleurs deux coups tombent non loin de nous. Le tir se calmant je rentre  à la batterie où je  trouve le capitaine.
Dans l’après-midi je monte remplacer Plantade à l’observatoire et je peux examiner le panorama dans lequel on ne voit d’ailleurs pas grand-chose. Les attaques de villages dans cette guerre ne ressemblent guère à celles illustrées par Alphonse de Neuville. Sur les pentes de Vauquois on peut apercevoir à la jumelle des formes sombres immobiles qui sont des fantassins du 131ème. Dans la plaine à gauche devant le village de Boureuilles d’autres lignes noires représentent des groupes de 10 à 15 fantassins du 44ème colonial accroupis derrière un ressaut du terrain. En avant d’autres hommes à plat ventre qui ne sont peut-être que des cadavres. Rien ne bouge. De temps en temps des coups de feu ou le « tacatac » d’une mitrailleuse. Les mitrailleuses françaises se distinguent à la cadence e variable de tir depuis le « coup par coup » jusqu’à la cadence rapide. Dans la mitrailleuse allemande au contraire la cadence est constante. Puis tout à coup un nuage de fumée noire suivi d’un craquement formidable, puis un autre et un autre encore. Ce sont des « marmites » que les allemands envoient par séries de 20 ou 25, jamais plus. Cette fois ci, c’est l’emplacement de la ferme Buzémont qui écope, là où se trouve le poste de commandement du 44ème  régiment d’infanterie coloniale. L’état-major de ce régiment est enseveli sous les décombres mais on arrive rapidement à le dégager. Puis ce sont de petites fumées blanches de nos obus à balles à la lisière de Boureuilles. Pendant des heures, ce spectacle peu varié continue. En regardant avec attention on voit que les taches noires qui étaient à midi à cent mètres d’un tel arbre sont maintenant à sa hauteur. Telle est la progression qui ne ressemble guère à un assaut. Avec la nuit cependant le spectacle change. A 17 heures une superbe fusée verte monte dans la nuit noire et annonce la reprise de l’attaque. La fusillade redouble. De leur côté les boches lancent des fusées éclairantes pour découvrir nos soldats montant à l’assaut. C’est un vrai feu d’artifice. Les éclairs des coups de fusils parsèment la nuit de points lumineux. Par instants apparaissent des lueurs plus grandes qui sont des coups de canons ou des éclatements de projectiles. Transi de froid les pieds dans la boue je regarde avidement ce spectacle mais je trouve que la nuit est bien longue. Pour ne pas tomber gelé sur place je combats le sommeil en me promenant de long en large. Mes deux téléphonistes n’ont pas cette ressource. Ces deux pauvres garçons, Somme et Daniel, assis sur un tronc d’arbre, leur microphone entre les jambes et leurs écouteurs aux oreilles doivent encore avoir plus froid que moi ! Serrés l’un contre l’autre et recouverts d’une toile de tente ils essayent de ne pas s’endormir et de ne pas mourir de froid. C’est la 2ème nuit qu’ils passent dans ces conditions pénibles sans qu’aucune plainte ne sorte de leur bouche. Dans la nuit ma batterie tire une trentaine de coups sur le mamelon boisé de la cote 239. Enfin vers 7 heures du matin le jour se lève, bien pâle.


10 décembre : Plantade monte dans la matinée me remplacer à l’observatoire et je redescends à la position pour prendre un peu de repos avec cette dure nuit. D’après les renseignements fournis Vauquois et Boureuilles sont toujours aux mains de l’ennemi mais nos troupes sont solidement cramponnées aux pentes du plateau. La journée se passe dans le plus grand calme et vers 15 heures nous recevons l’ordre de rentrer à Vraincourt en laissant une pièce sur le terrain. La batterie rentre donc à Froidos mais comme précédemment je reste à Vraincourt avec Plantade.   

Teinturier et son chien

Teinturier et son chien

Froidos

Cne Meckler Ltn teinturier

Cne Meckler Ltn teinturier

Froidos

Chavane, Teinturier et son frère

Chavane, Teinturier et son frère

Froidos

Chavane

Chavane

Froidos

Quelques gradés

Quelques gradés

Froidos

Quelques gradés dont Chavane

Quelques gradés dont Chavane

Froidos

Chavane, Lemasson et Fourcade

Chavane, Lemasson et Fourcade

Froidos

12 décembre : Après avoir passé la journée de la veille dans un repos bien mérité je reprends mes fonctions d’observateur en partant à 6h15 pour l’observatoire des Côtes de Forimont. Dans la journée les boches font montre d’une certaine activité, tant sur Buzémont que sur les bois des Côtes de Forimont. Le soir en rentrant à Vraincourt j’apprends que toute la batterie doit partir pour la Chalade demain mais pour ma part je dois rester à Vraincourt à la disposition du colonel ce qui me rend furieux. Pour me consoler j’apprends que les autrichiens se font battre à plate couture par les serbes qui les poursuivent au-delà de la frontière en leur faisant 60 000 prisonniers.

Ltn Baudelle, cne Annibert, ltn Desaulle, cap Neuville

Ltn Baudelle, cne Annibert, ltn Desaulle, cap Neuville

Froidos

Mdl Breteau, ltn Teinturier, cne Meckler

Mdl Breteau, ltn Teinturier, cne Meckler

Froidos

Ltn Chavane mdl Bardot

Ltn Chavane mdl Bardot

Froidos

Ajt Lemasson ltn Chavane

Ajt Lemasson ltn Chavane

Froidos

Cne Meckler, ltn Plantade

Cne Meckler, ltn Plantade

Froidos

Ltn Chavane adj Lemasson

Ltn Chavane adj Lemasson

Froidos

Cne Meckler Ltn Teinturier

Cne Meckler Ltn Teinturier

Froidos

Ltn Cavane, ltn Teinturier son frère

Ltn Cavane, ltn Teinturier son frère

Froidos

14 décembre : La décision qui me maintient à Vraincourt me cause tant de fureur que je suis décidé à tirer     au flanc le plus possible. De fait je ne bouge pas de la journée du 13 et je fais de même pour celle du 14. A 16 heures au moment où je m’y attends le moins l’ordre m’arrive de partir rejoindre ma batterie au Claon. Je ne me le fais pas dire deux fois et à 17 heures je pars pour le Claon où j’arrive à 18h30. Tout le monde est surpris de me voir arriver.

Notre batterie est donc cantonnée au Claon, petit village misérable de 75 habitants niché dans la vallée de la Biesme. Le capitaine s’est installé dans le corps d’habitation d’une tuilerie qui est je crois la seule maison en briques du village. Nous y disposons au premier étage d’une très belle cuisine, d’une chambre pour le capitaine et d’une pièce munie d’un piano où couchent Plantade et Gros. On m’attend si peu à la batterie que le capitaine a recruté pour me remplacer le lieutenant Gros des colonnes légères. Quant à moi on me loge « en ville » dans une maison assez inconfortable.

Le Claon

Le concert

Le concert

Le Claon

Vue depuis la route de la Chalade

Vue depuis la route de la Chalade

Le Claon

L'abreuvoir

L'abreuvoir

Le Claon

Le Claon

Le Claon

La vallée de la Biesme vue de la route de Florent

La rue de l'église

La rue de l'église

Le Claon

Vue générale

Vue générale

Le Claon

15 décembre : Le matin au réveil je peux examiner à loisir notre nouveau cantonnement qui est franchement ignoble. Noter maison est bien la seule construite en briques dans tout le village. Les autres, construites en pans de bois garnis de torchis sont franchement minables. Nos chevaux installés sous les vastes hangars qui servent à faire sécher les briques et les tuiles sont presque mieux logés que nos hommes. Si le pays est sordide le site est par contre fort joli. La vallée de la Biesme fortement encaissée et encadrée par les futaies de l’Argonne ne manque pas d’un certain pittoresque et même de grandeur.

La batterie est actuellement divisée en deux sections placées à 1500 mètres l’une de l’autre. La première commandée par Plantade secondé par Chavanne est en position à 1500 mètre au N.E. de la Chalade dans le ravin du Prunetier soit à 1200 mètres des premières lignes. La 2ème section avec Gros et moi est en position à la lisière du bois à 500 mètres au S.E. de la Chalade le long du ruisseau de Perupt soit à 2500 mètres environ des premières lignes. Toute la batterie est aux ordres de l’AD 10 commandée par le général Darnée du 13ème d’artillerie. La division elle-même est commandée par le général Gouraud le brillant spécialiste des campagnes coloniales. Le front dans la partie de la forêt occupée par la 10ème DI est très mouvementé. Les divisions voisines sont à peu près dans la même situation. A gauche le front englobe le pavillon Bagatelle, Fontaine-Madame et St Hubert. A partir de ce point le front suit le flanc sud du ravin de la Fontaine du Mortier et vient passer à quelques centaines de mètres du hameau du Four de Paris, se dirige vers l’est vers le ravin des Courtes Chausses en traversant l’extrémité S.O. du plateau de Bolante puis remonte franchement au nord vers le confluent des Meurissons, suit le ravin nord des Meurissons jusqu’à la Haute Chevauchée, laisse aux allemands le Bas Jardinet et l’extrémité de la cote 263 puis redescend vers les lisières de Boureuilles. Les allemands sont donc resserrés dans une hernie dont le Four de Paris marque la pointe. Leur tactique jusqu’au mois de septembre 1915 consistera à élargir cette hernie en attaquant aux deux extrémités de la base dans le secteur Bagatelle, Saint Hubert. Le front de la 10ème DI commence près du Four de Paris au ravin Meurissons et s’étend jusqu’à la vallée de l’Aire, la 9ème DI tenant le front depuis ce point jusqu’au pont des 4 enfants. A gauche le 2ème corps est en liaison avec nous et occupe la partie ouest de la forêt. Il est sous le commandement du général Gérard. Le secteur où nous sommes est surtout caractérisé, en dehors de la sinuosité du front, par la proximité des tranchées allemandes et françaises. Presque partout les deux lignes sont séparées par une distance inférieure à 50 mètres et qui dans beaucoup d’endroits est réduite à 30 mètres. Plus tard d’ailleurs on verra des tranchées et des postes à 10 mètres les uns des autres. La première ligne est continue et quelques boyaux permettent d’y accéder, mais c’est à peu près toute la défense. Aucun réseau ne protège la première ligne n’est encore sérieusement établie de ce côté. La gauche du secteur est tenue par un régiment de réserve du corps d’armée, le 131ème (Orléans) excellent régiment énergiquement commandé par le commandant Rollet vieux colonial ayant servi à la légion étrangère. Le régiment a un aumônier qui lui est spécialement attaché, le père Bailly, homme tout à fait aimable et d’un dévouement inaltérable. A la droite du 331ème se trouve le 76ème qui tient la région de Courtes Chausses. Les autres régiments de la DI  le 89ème, le 46ème et le 31ème tiennent la droite du secteur, le poste de commandement du général Gouraud étant au village de la Chalade relativement intact pour le moment. L’artillerie dans le secteur est assez faiblement représentée : quelques batteries du 13ème de campagne. Comme artillerie lourde notre batterie ainsi que quelques pièces de 120 L et de 155 L en position sur la Haute Chevauchée entre la Maison Forestière à la cote 285 mais tout cela est bien maigre. Nous avons l’impression que ce secteur est beaucoup plus agité que celui que nous venons de Quitter et par suite moins bien organisé. La forêt est si épaisse et les points de repère si peu nombreux qu’on ne peut pas savoir à 200 mètres près l’emplacement exact des tranchées. Devant nous les allemands maintiennent toujours un corps d’élite le 16ème (Metz) sous le commandement du général Mudra, un sapeur très versé dans la guerre des mines et qui dispose d’un outillage approprié.
Ma section est donc en position à 1500 mètres du Claon à la lisière du bois entre la Voie Romaine et le ruisseau de Perupt. Habilement dissimulés comme nous le sommes je ne pense pas que nous puissions être repérés. La mission est de défendre le front de la division depuis le Four de Paris jusqu’au confluent des Meurissons, la section de Plantade assurant la défense du front depuis me confluent des Meurissons jusqu’à la cote 263. Pour nous loger nous avons une cabane en terre construite par une demi-compagnie de chasseurs forestiers qui a été mise à notre disposition. Le commandant de cette compagnie est un charmant homme le capitaine Coulaux qui a un frère capitaine dans un régiment du 2ème corps, le 91ème qui est à notre gauche. Ce frère est d’ailleurs un véritable héros puisqu’après moins de 5 mois de campagne  il est déjà chevalier de la Légion d’Honneur et nanti de 3 ou 4 citations. Si la position où nous sommes est avantageuse à beaucoup de points de vue et en particulier à celui de la dissimulation, elle a par contre un inconvénient fort grave : le sol est une véritable éponge dans laquelle nos pièces s’enfoncent et après avoir tiré dans la journée une quinzaine de coups nous sommes obligés d’entreprendre des travaux herculéens pour sortir nos canons de la boue.

La pièce embourbée

La pièce embourbée

Désembourbage de la pièce

Désembourbage de la pièce

Pineau, Denuit, mdl Metzger, Ozwald, Guérin, cne Meckler

Comme j’assure le service à la position avec mon camarade Gros je dois y coucher une nuit sur deux dans notre cabane forestière. Nous y couchons pèle mêle, mes hommes, mes sous-officiers et moi et pour que le sol ne nous paraisse pas trop dur nous l’avons recouvert d’une couche de fascine et d’une légère couche de foin. Après avoir pataugé toute la journée dans la boue et dans la neige il faut s’étendre sur cette couche peu confortable sans pouvoir même se déchausser car il faut pouvoir à tout instant bondir aux pièces à l’appel du téléphone. La couverture dont nous sommes munis  n’est qu’une faible protection et nous avons tous froid aux pieds à en pleurer. Le sommeil est, dans ces conditions presque impossible, d’autant plus que les alertes sont fréquentes. Cette nuit en particulier nous devons tirer de 11h à 11h30, de 1h à 1h30 et enfin de 5h15 à 6h30.

Vie quotidienne

Vie quotidienne

Le Four de Paris les cuisines

Vie quotidienne

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Le cne Meckler sur Icarienne, ltn Gros

Vie quotidienne

Vie quotidienne

Cne Meckler ltn Desaulle can Février

18 décembre : Si les journées et les nuits sont dures à la position, par contre le séjour au cantonnement est des plus agréables. Je suis logé maintenant dans une chambre de la Tuilerie munie de tout le confort moderne : pot à eau et cuvette, verre à dents et sèche serviette. Depuis le 2 aout je ne me suis pas trouvé à pareille fête. Et puis notre ordinaire s’améliore de plus en plus grâce aux envois de l’arrière. Aujourd’hui nous avons des huitres, du foie gras et des fruits confits !!


19 décembre : Après avoir passé la nuit au cantonnement je monte vers 7h15 à la position qui est toujours très tranquille. Il n’en est pas de même à la section Plantade. A cause de la proximité des lignes et de la forme du front, la position occupée par cette section est littéralement arrosée de balles perdues. Hier au soir un servant a reçu une balle le dos. Surtout à la nuit tombante il est impossible de mettre les pieds dehors sous peine d’être blessé. Les balles qui arrivent sur la position viennent d’ailleurs des lignes françaises. 
Vers 11 heures le capitaine ayant reçu l’ordre de battre des tranchées situées au nord du Four de Paris et baptisées ouvrage F2 je pars avec Bachelier et un téléphoniste pour régler ce tir. Traversant la Chalade nous suivons la route du Four de Paris mais à l’extrémité du vallon de Courtes Chausses il faut quitter la route et passer le long de la berge de la Biesme car cette partie de route est vue des allemands qui occupent les crêtes de Bolante. Perchés sur des arbres des tireurs d’élite nommés « perroquets » tiennent sous le feu de leurs fusils pointés cette partie de la route sur laquelle il est possible de passer sans risques de se faire tuer. Ils tiennent de la même façon sous leur feu le carrefour du Four de Paris et ce matin même un imprudent qui a  voulu traverser ce carrefour malgré les ordres formels, a été étendu raide mort, une balle dans la tête. Bien que nous ne soyons pas vus, les balles nous sifflent aux oreilles à plusieurs reprises. Quittant la route avant le Four de Paris et grimpant les pentes du plateau de Bolante nous arrivons bientôt dans la tranchée de première ligne entre le ravin des Meurissons et le ravin intermédiaire. Du boyau d’accès aux tranchées on voit déjà assez bien les lignes allemandes et comme nous les examinons Bachelier et moi une balle vient, avec un bruit sec, claquer sur le parapet entre nous deux. La tranchée où nous sommes est occupée par une compagnie du 331ème (Ltn Baron). De cette tranchée on domine la vallée des Meurissons et la route Four de Paris – Varennes. Sur la crête qui nous fait vis-à-vis l’ouvrage F2 est nettement visible. Il est constitué par une longue tranchée principale avec quelques abris. L’ouvrage allemand situé sur la même croupe que celle où nous sommes s’appelle F3. Enfin sur la croupe située entre le ravin des Courtes Chausses et le ravin intermédiaire, l’ouvrage F4 ou Demi-lune. Pour correspondre avec notre batterie une ligne est établie dans la tranchée de première ligne, reliée au réseau général auquel la batterie est elle-même reliée. Après avoir examiné soigneusement le terrain et branché notre ligne nous commençons à tirer. Les premiers coups, comme nous nous en doutons, sont très longs et fortement à droite : ils tombent sans doute dans le ravin de la Fontaine au Mortier. Nous les ramenons progressivement sur l’objectif et par quelques coups biens placés nous jetons la terreur chez les allemands qui se sauvent hors de la tranchée à travers la futaie. Nos fantassins, fous de joie, tirent sur le fuyard comme à la cible. L’un des fuyard, énorme boche, ceinturé de volumineuses musettes essaie de passer entre deux baliveaux assez rapprochés dans les dans lesquels il se coince. Son volumineux postérieur s’offre à nous comme une cible magnifique mais nos fantassins rient tellement aux éclats qu’ils le manquent. Nous entendant d’ailleurs des cris montrant que notre tir a été efficace. En effet nous voyons les allemands revenir en hâte avec des pelles et des pioches et travailler frénétiquement dans les boyaux pour dégager leurs camarades. Après une trentaine de coups tirés dans ces conditions nous rentrons Bachelier et moi par le même chemin. En revenant nous pouvons examiner un peu plus attentivement le bourg de la Chalade, beaucoup plus important que le Claon, mais comme lui d’une pauvreté navrante. Le site est ravissant, sans doute, Mais dans ces mois d’hiver et en période de guerre, ces pays déjà pauvres paraissent tout simplement misérables.  Peu ou pas de maisons en pierre mais de simples pans de bois garnis de torchis. Beaucoup de maisons sont d’ailleurs démolies ou incendiées et le village depuis mon départ a beaucoup souffert. L’église et le château sont toujours intacts cependant. Je passe au château rendre compte de ma mission au commandant Rollet qui me reçoit fort aimablement et qui me félicite sur les bons résultats de mon tir. J’apprends également par lui les raisons de la fusillade de ce matin. La veille au soir une relève a été effectuée par les chasseurs à pied qui occupent la rive gauche du ravin de la Fontaine au Mortier mais deux compagnies relevantes ayant négligé de se mettre en liaison l’une l’autre un intervalle dans lequel les boches se sont infiltrés. Au lever du jour nos soldats se trouvent entièrement cernés. Un combat furieux s’est engagé au cours duquel nous avons perdu une ou deux compagnies et où nous avons perdu également la rive gauche  du ravin de la Fontaine au Mortier. Je rentre à la batterie où je dois passer la nuit assez fatigué. Pour comble de malchance je dois me réveiller à 23 heures pour tirer 5 obus sur le carrefour de Barricade Pavillon. Pendant que j’exécute ma reconnaissance du côté du Four de Paris, Chavanne en effectue une autre dans la tranchée du saillant de Bolante qui domine le confluent des Meurissons. 

Sur le terrain

Sur le terrain

Ltn Desaulle can Nadiras louis, can Hubert

Sur le terrain

Sur le terrain

Cne Meckler, can Nadiras Louis, ltn Desaulle

Sur le terrain

Sur le terrain

Ltn Dubois, cne Meckler, ltn Gros

Sur le terrain

Sur le terrain

Ltn Desaulle, ltn Gros, cne Meckler

Sur le terrain

Sur le terrain

Cne Meckler, ltn Desaulle, can Février

En cet endroit les tranchées françaises et allemandes ne sont séparées que par une dizaine de mètres. D’une tranchée à l’autre on peut donc s’interpeller et les allemands ne se privent pas de nous accabler d’injures dans le plus pur argot parisien. Cet endroit est d’ailleurs extrêmement malsain et pour y arriver il n’y a pas de boyau. Pour traverser le plateau sur une longueur de 200 ou 300 mètres, en pleine vue des boches, on doit passer au pas de course, ce qui d’ailleurs ne supprime pas le danger. Le soldat qui sert de guide à Chavanne est en effet tué raide d’une balle dans la tête en traversant le plateau.

Ltn Chavane Tranchée de Bolante

20 décembre : A peine suis-je éveillé qu’on m’apporte un ordre du jour du général Joffre annonçant que le moment est venu de prendre un offensive générale : « Officiers, sous-officiers et soldats ! Depuis 3 moi les attaques violente et désespérées des allemands ont été impuissantes à nous rompre. Partout nous leur avons opposé une victorieuse résistance. Le moment est venu de profiter des faiblesses qu’ils accusent alors que nous nous sommes renforcés en hommes et en matériel. L’heure des attaques a sonné. Après avoir contenu l’effort des allemands il s’agit maintenant de le briser et de libérer définitivement le territoire national envahi. Soldats ! La France compte plus que jamais sur votre cœur, votre énergie, votre volonté de vaincre à tout prix. Vous avez déjà vaincu sur la Marne, sur l’Yser en Lorraine et dans les Vosges. Vous saurez vaincre encore jusqu’un triomphe définitif ! 17 décembre 1914 signé J.Joffre »
J’apprends d’ailleurs peu de temps après que ce sont les allemands qui ont pris l’offensive en s’emparant du saillant de Bolante où Chavane était hier après-midi. Ils se sont emparés de cette tranchée en la faisant sauter ; ils n’ont fait en cela que nous imiter puisque voilà deux mois que nous avons commencé à leur faire de semblables plaisanteries.
Ma batterie ayant reçu l’ordre de reprendre le tir sur l’ouvrage F2 dans les mêmes conditions que la veille je repars à 10h30 avec Bachelerie. Chemin faisant nous rencontrons le capitaine Gerberon du 331ème avec lequel nous montons à l’observatoire. Dans la tranchée un officier promène un déserteur allemand coiffé d’un képi français et tâche de lui arracher quelques renseignements sur la ligne allemande. Le boche met d’ailleurs toute la complaisance possible et se réjouit énormément en apercevant les entrées des sapes préparées pour faire sauter ses camarades. Je pense que ce boche est un alsacien ou un polonais. Plus loin un lieutenant lit en hochant la tête le dernier ordre du jour du général en chef. « Tout cela est très bien, mais qui est ce qui va démolir les fils de fer ? »
Reprenant le tir avec les mêmes éléments que la veille j’envoie dans les tranchées allemandes 13 obus qui font un raffut énorme mais ces tranchées sont probablement vides car nous ne voyons  pas d’allemands sortir. C’est dommage car à tous les créneaux un fantassin est aux aguets le fusil en mains. Le tir est d’ailleurs presque aussi dangereux pour nous que pour les boches car les éclats reviennent jusqu’à nous avec une grande force. Un de ces éclats pesant au moins 300 grammes et coupant comme un rasoir vient se ficher à un mètre de moi dans le parapet. Ce tir fait nous revenons par la tranchée de 1ère ligne jusqu’au flanc sud du ravin intermédiaire qui va nous servir d’observatoire pour un nouveau tir sur un blockhaus de l’ouvrage F3 déjà mis à mal quelques jours auparavant par Bachelier. En quatre coups bien placés nous achevons de bouleverser complètement cet ouvrage. A 14 heures nous sommes de nouveau à la batterie après avoir pataugé consciencieusement .J’apprends en arrivant que l’offensive aurait donné quelques résultats à droite et que nous nous serions  emparés de Vauquois. Cette nouvelle devait d’ailleurs être démentie le lendemain.

22 décembre : Aujourd’hui, événement sensationnel : « Il arrive pour cantonner au Claon et à Florent un régiment de marche du 1er étranger nommé « Légion garibaldienne » car il est composé presque exclusivement d’italiens engagés volontaires et commandé par le colonel Peppino Garibaldi (NOTE DE L’ÉDITEUR : Guiseppe de son prénom dit Peppino) le propre fils du célèbre aventurier. Ces garibaldiens ne portent plus la chemise rouge comme leurs devanciers mais le même uniforme que nos fantassins. Une large ceinture bleue roulée autour du corps sous le ceinturon les distingue de l’infanterie. Les officiers sont pour moitié italiens et pour moitié français. La Légion est donc commandée par Garibaldi qui est venu combattre sous nos drapeaux avec quatre de ses frères, Ricciotti, Constantino (Mort au champ d'honneur), Bruno ( Mort au champ d'honneur 26/12/1914) et Santé qui sont respectivement capitaine, sous-lieutenant, adjudant-chef et adjudant. L’un des bataillons est commandé par le commandant Latapie ( Mort au champ d'honneur) de la légion étrangère qui vient loger dans notre tuilerie. Les officiers italiens sont des gens de tous les milieux, médecins, avocats, journalistes tous amoureux des aventures et pleins de haine pour les boches. Dans l’ensemble cette légion fait bonne impression, les hommes paraissent avoir de l’entrain mais, par contre, à d’autres points de vue combien cette troupe diffère de nos  régiments d’infanterie ! Beaucoup de soldats comme je l’ai dit sont des idéalistes sont des idéalistes ayant tout quitté, pays, famille, situation pour venir se battre en France pour la sauvegarde du droit et de la justice, mais beaucoup aussi sont des aventuriers venus à la guerre dans un but peu avouable. Tous d’ailleurs ne sont venus que pour se battre bien qu’ils y soient conduits par des mobiles tout à fait différents, aussi ne veulent-ils rien faire de ce  qui n’est pas la guerre. Il est impossible de tirer d’eux la moindre corvée de cantonnement : «Nous sommes venus pour faire la guerre, disent-ils, et non pour faire les cantonniers. » Pour la même raison ils ne veulent pas faire les « larbins » comme me disait l’un d’eux et les officiers italiens privés d’ordonnance sont obligés de se cirer eux-mêmes et de manger à la gamelle. Il y a d’ailleurs dans cette conduite vis-à-vis de leurs officiers une autre raison : ils ne les estiment pas. Si on les avait écoutés ils n’auraient voulu avoir que des officiers français. A ceux-là ils veulent bien servir d’ordonnances car ils sentent bien que ce sont vraiment des « supérieurs ». L’individualisme est d’ailleurs poussé très loin dans cette légion et chaque soldat fricote lui-même sa cuisine sur deux cailloux le long des murs des maisons. Naturellement ce fricot est à base de macaronis et de pâtes alimentaires. Cette invasion de deux mille hommes dans ce microscopique village habité déjà par notre batterie, 2 compagnies du génie et de l’infanterie, transforme le dit village en une véritable écurie d’Augias. Les rues deviennent d’une saleté repoussante et nous n’osons plus sortir après la nuit tombée.


23 décembre : Chaque jour ou à peu près nous tirons sur les boches une cinquantaine de coups, principalement la nuit. Ce soir vers 17 heures je reçois l’ordre de mettre un de mes canons en direction sur le Four de Paris. Voilà qui n’est guère rassurant et m’oblige à dormir d’un œil. La nuit se passe d’ailleurs sans incident.


24 décembre : L’ordre d’offensive générale ne parait pas avoir donné de grands résultats. Nous avons sans doute progressé en beaucoup de points du front particulièrement en Champagne mais ces progressions sont de faible importance et ne continuent pas.
Depuis quelques jours j’ai apporté à notre installation une amélioration sensible. Je me suis fait construire par nos amis les forestiers un poste de commandement mesurant environ 1m de largeur et 2m50 de longueur dans lequel je couche avec un téléphoniste.


25 décembre : Il fait aujourd’hui, jour de Noël, un superbe temps de gelée. Nous assistons à la messe dans l’église de Claon trop petite pour contenir l’affluence des poilus qui s’y entassent. De tout notre cœur nous chantons les vieux chants de Noël qui promettent la paix aux hommes de bonne volonté. A 9 heures je monte à la position je monte à la position de batterie et j’apprends en y arrivant que le colonel Darné ??? a fait la nuit dernière, comme le père Noël, la tournée des positions de batterie, apportant à chaque officier de garde une bouteille de champagne et un paquet de biscuits. Je passe cette nuit à la position dans ma nouvelle cagna dans laquelle je mourrais certainement de froid si je n’y avais installé un poêle réquisitionné pour les besoins de la cause dans une maison de la Chalade. 


26 décembre : Hier au soir les garibaldiens sont montés en ligne pour prononcer aujourd’hui une attaque au plateau de Bolante, aussi nous sommes sur le qui-vive. L’attaque est d’ailleurs soutenue exclusivement par le 75 et nous ne tirons pas. Les garibaldiens ont attaqué, drapeau italien déployé aux cris de « Avant, savoïa !! avec un grand entrain, beaucoup trop grand même cat ils n’ont pas attendu la fin du tir de l’artillerie pour sortir de leurs tranchées. Le résultat est que 2 officiers et plusieurs hommes ont été tués et une vingtaine blessés par le tir de notre artillerie. Le commandant du bataillon a chargé à la tête de ses hommes un  fusil à la main. Une première tranchée aurait été prise puis une seconde qui a du être abandonnée. Deux mitrailleuses ont été prises ainsi qu’une soixantaine de prisonniers d’ailleurs tués sur place, les allemands ayant annoncé qu’ils fusilleraient tous les garibaldiens faits prisonniers. Malheureusement l’adjudant Bruno Garibaldi a été tué et pour aller ramasser son corps ses homme s ont été obligés de creuser un boyau.


28 décembre : Ce matin triste cérémonie. Au pied de la route de Florent on fusille un déserteur devant le front des troupes qui sont massées dans le pré. Le condamné amené  des Islettes dans une voiture d’ambulance escortée de cavaliers est en civil. Le commandant des troupes lui lit la sentence : « Au nom de la patrie envahie……. » puis le fait conduire au poteau d’exécution devant lequel est rangé le peloton. Le condamné, très crâne, refuse de se laisser bander les yeux, et après avoir crié « vive la France » donne lui-même le signal au peloton d’exécution. Un crépitement suivi d’une détonation sèche qui est le coup de grâce et les troupes défilent devant le supplicié au son d’une alerte marche militaire. C’est la troisième exécution à laquelle j’assiste depuis le début de la campagne et ce ne sera malheureusement pas la dernière ! Il y a heureusement d’autres prises d’armes que les exécutions capitales : la remise des premières décorations décernées au début de la campagne donne lieu à des cérémonies qui ont un certain caractère depuis que les musiques militaires réduites à néant ont été reconstituées. L’une de ces cérémonies a lieu ces jours ci en présence du général Valdant.

Cérémonie militaire

Cérémonie militaire

Le drapeau et sa garde

Cérémonie militaire

Cérémonie militaire

Le défilé

Cérémonie militaire

Cérémonie militaire

La garde au drapeau

Cérémonie militaire

Cérémonie militaire

Le retour au cantonnement

Cérémonie militaire

Cérémonie militaire

Le général Valdant et son état-major

29 décembre : Dans l’après-midi Bachelerie et Gros montent à l’observatoire n°2 de la batterie sur le  versant sud des Courtes Chausses pour observer in tir sur l’ouvrage F4. A peine sont-ils arrivés qu’un feu violent assaille un convoi d’infanterie chargé de peaux de moutons et passant à découvert près de l’observatoire. Les hommes de corvée se dispersent en emportant un blessé, mais un autre blessé atteint d’une balle à la poitrine git sur le terrain. Bachelier nommé maréchal des logis depuis quelques jours se porte spontanément au secours du blessé et malgré le danger qu’il court sur ce terrain exposé au feu de l’ennemi il lui fait sur place un premier pansement et ne le quitte qu’après avoir confié le blessé à des brancardiers du poste voisin qu’il est allé requérir. Pour ce bel acte de courage le capitaine fait établir en sa faveur une proposition de citation à l’ordre de l’armée.
Les garibaldiens sont de retour au cantonnement. L’un d’eux qui cumule les fonctions de caporal fourrier d’une compagnie avec celle de porte-drapeau clandestin vient nous rendre visite. C’est un italien de Paris dont la profession est dessinateur caricaturiste : en cette qualité il collabore au Rire et autres journaux de ce genre. Les fonctions de porte-drapeau sont purement officieuses, la Légion ne possédant pas, officiellement de drapeau. Ce caporal est cependant le gardien d’un grand drapeau italien qu’il porte roulé autour de la poitrine et qui, les jours d’attaque, est hissé au bout d’un grand piquet. Pour nous donner un aperçu de son talent il nous crayonne rapidement quelques pochades assez drôles dont je le remercie en lui faisant cadeau de ma boite de crayons de couleur. Si le bureau de la compagnie n’a pas d’autre comptable que ce fantaisiste fourrier les comptes doivent être biens tenus ! «  Je ne vais jamais au bureau me dit-il, d’ailleurs je ne sais pas où il est ! »

Caricarure 1

Caricarure 1

Faite par le porte drapeau des garibaldiens

Caricature 2

Caricature 2

Faite par le porte drapeau des garibaldiens

31 décembre : Le matin je repars à la position de batterie et peu de temps après mon  arrivée passe sur la route une compagnie du 331ème qui arrive en renfort et qui s’arrête devant notre position. Ce sont pour la plupart des hommes des classes 95 et 96, fort peu enchantés de venir au front. Je les rassure de mon mieux en leur affirmant que ce coin de front et en particulier celui tenu par leur régiment est extrêmement calme. 

A peine leur ai-je raconté que cela que nous recevons l’ordre, ainsi que les batteries voisines de tirer dans la région de Saint Hubert où les allemands viennent de lancer une violent attaque. Ma batterie et les deux batteries de 75 déclenchent un tir violent. Les pauvres fantassins croyant en entendant ce bruit que ce sont des arrivées de projectiles se précipitent dans les fossés. Le capitaine qui passe à ce moment sur la route les rassure. Bientôt nous apprenons que cette attaque allemande sur Saint Hubert a échoué. Pendant que nous tirons ainsi de notre position de la Chalade appelée Bx, Plantade fait de son côté un excellent travail avec sa section en démolissant un blockhaus allemand très important près du « doigt de gant » ; on appelle ainsi la pointe formée par nos lignes entre la Haute Chevauchée et le ravin nord des Meurissons. Pour régler son tir Plantade a été obligé de tirer une longue ligne téléphonique jusqu’aux premières lignes et de régler son tir de l’extrémité d’un petit poste situé en avant de nos tranchées. Ce coin est extrêmement malsain : deux jours auparavant le lieutenant Cotte du 13ème d’artillerie y a été tué et la veille 3 ou 4 fantassins ont également été tués. Le soir je couche à la position de batterie.

Pour le réveillon l’Intendance nous a promis des suppléments extraordinaires comprenant une bouteille de champagne pour 4, un cigare, une orange et du jambon mais jusqu’à présent je ne vois rien venir et suis réduit à grignoter mon repas froid qui n’a jamais été aussi froid ni aussi mauvais. La seule distraction de cette dernière nuit de l’année 1914 est une salve de 12 coups que toutes les batteries tirent à minuit sonnant.

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